La traversée de 1663 (notes diverse bientôt à revamper au complet...)

C'est donc seule avec présumément ses quatre plus jeunes enfants, soit Simon, Jean, François et Marie, que
Marie Hourdouille quitte pour le Canada en 1663, comme on le verra bientôt. On cherche toujours par quels moyens elle entreprend le voyage de Paris a La Rochelle, mais d'après les indices, on peut croire que la famille partielle se joint au cortège qui compte les nouveaux dirigeants de la Nouvelle France dont le gouverneur de Mézy et Mgr Laval. L'historiographie contemporaine sur la famille Savard indique qu'elle a fait le voyage La Rochelle-Québec avec l'expédition menée par Gargot, composée des navires le Jardin de Hollande sous le commandement du capitaine Jean Guillon et de l'Aigle d'Or sous Gargot. Mais nous savons maintenant que son mari et au moins deux enfants sont partis en 1662.


Des passagers de marque
Le vicaire apostolique de Québec et évêque de Petrée,
François Montmorency de Laval, quitte Québec à l'automne de 1662 en direction de Paris pour demander les faveurs du roi envers ses projets pour la colonie du Canada. Après avoir obtenu à la fois un édit sur la prohibition de l'eau-de-vie, une ordonnance pour la création du Conseil Souverain et l'ordonnance (avril 1663) pour la création du Séminaire de Québec, avec en sus la promesse que son siège de Québec sera bientôt élevé en évêché, il est prêt, au printemps de 1663, à s'embarquer pour Québec.[4]
Simon est parvenu à communiquer avec son éminence, pour lui faire part de leur désir d'émigrer à Québec? Peut-être par l'entremise du curé de Montreuil ou encore de la Sainte-Chapelle dans l'enceinte du château de Vincennes? Ou encore, Mgr de Laval a-t-il visité l'un de ces endroit durant son séjour? Comme mentionné plus haut, il y a Nicolas Durant de Montreuil valet de Mgr Laval à Québec, qui est peut-être instigateur dans cette histoire. C'est une hypothèse valable parmi d'autres. Dans ce cas, on peut penser que l'évêque ait pu envoyer un messager à Simon Savart les invitant à se joindre au cortège le printemps suivant pour le retour.
La réponse à ces questions pourrait donner une meilleure approche du périple terrestre que la famille a dû effectuer au printemps 1663, entre Paris et le port de La Rochelle.
Se dirigent aussi à Québec sur ce voyage, le nouveau gouverneur du Canada,
Augustin de Saffray de Mésy (commission du 1er mai 1663), ainsi que le commissaire royal Louis Gaudais-Dupont chargé prendre possession du pays au nom du roi, mettant un terme officiel au règne des compagnies marchandes.
L'appareillage de L'Aigle d'Or et du Jardin de Hollande

Dès le
20 mars 1663, les préparatifs pour la traversée de l'été qui approche va de bon train. Un premier État des dépenses est dressé, où l'on évalue le total des coûts de l'opération à 53 879 livres tournois.

Gargot de La Rochette reçoit sa
Commission des navires Jardin de Hollande et de L'Aigle d'Or le 26 avril 1663 [Archives coloniales]. Seule la première page a été copié lors de ma visite à Ottawa (lapsus de ma part) et ne nous apprend encore rien de nouveau. Mais "s'ensuit la teneur de laditte Commission". À revoir.

Dans le Fonds Placide Gaudet du Centre d'Études Acadiennes (Université de Moncton), on trouve une copie dactylographiée [pièce 1. I-23] par ce dernier d'un document intitulé Ordre et Instruction Au s de la Rochette Gargot Cappitaine de la marine, allant faire le voiage de terre neufve et Canada. Pour le service du Roy, daté du 4 mai 1663.
On indique d'emblée "Comme dans le voiage que led. s Gargot fist lannée passée esd. pais". Dès que les deux navires précités seront armés et mis en état de naviger et chargé des marchandises et passagers, ils prendront la mer de La Rochelle en empruntant la route ordinaire. Rendus à dix ou douze lieues de Terre-Neuve, le vaisseau qui aura été chargé des "familles, vivres munitions tant de guerre que de bouche, ustancilles" etc. que sa majesté "a ordonné pour l'habitation de terre neufve", c'est-à-dire le Jardin de Hollande, se détachera du premier vaisseau pour remettre la cargaison dans les mains de du Perron Chalour (l'homme que Gargot avait installé l'année précédente), pour solidifier la nouvelle colonie.
On indique ensuite que le premier navire (L'Aigle d'Or), pour sa part, doit filer directement dans le Saint-Laurent, vers l'escale habituelle de Tadoussac qui est sous-entendue, "pour diligenter davantage le débarquement".
Le Jardin de Hollande, une fois déchargé de sa cargaison à Plaisance, il rejoindra à son tour Tadoussac pour suivre les instructions laissées par Gargot.
On précise que le sieur Gargot doit prendre soins de remettre sa cargaison aux magasins de l'habitation de Québec, dont le reste des victuailles destiné à la subsistance des passagers rendus à terre.
On espère aussi connaître la situation du côté de l'Acadie que les Anglais occupent alors, et des établissements des
Emmanuel Le Borgne, des de La Tour, et de Nicolas Denys, en dépêchant une chaloupe du vaisseau de Gargot (L'Aigle d'Or) en croisant le Cap Breton, pour visiter ces lieux, "s'il juge que cela sepuisse faire". Il faut douter qu'il ait pris ce grand risque, puisque comme on le verra plus loin, la traversée a été plus longue et difficile que prévue.
Comme directives à la navigation, on dicte de battre le pavillon blanc, s'il y a lieu, de joindre des navires marchands et de pêche pour plus de sûreté en les escortant, tant en allant qu'au retour... "S'il rencontre des vaisseaux estrangers, corsaires ou autres à la mer, il evitera de se comettre mal apropos avec eux, en esgard à la qualité de son armement (mal équipé pour se battre), Sans toutes fois rien perdre ou relascher de ce qui est deu et a lhonneur des Vaisseaux de sa majesté, Ce quelle remet a la bonne conduite dudit Gargot". Malheureusement, Gaudet ne précise pas sur sa copie, que j'ai examiné, où est conservé l'original.

Par un document du 8 août 1663, soit bien après le départ des deux navires, par Maître Henry Caboud, trésorier général de la marine, fait l'État des dépenses final pour "L'Aigle dor, et le Jardin d'holande qui doivent porter à Kebec et à Plaisance en la nouvelle france Lesecours que sa Majesté y envoye la présente année 1663". Ce document original est numérisé et disponible en ligne dans la base ArchiviaNet. Mais plus simplement, voici ma transcription. Autre les salaires des officiers et des matelots, etc., dont Gargot reçoit la jolie somme de 3000 livres tournois par mois.

Sur le Jardin de Hollande, on nomme, après le capitaine Guillon,
Ambroise Bellot de la Fontaine lieutenant, qui sera le nouveau gouverneur de Plaisance 1664-1667. Ce navire transporte pour Plaisance 80 passagers, hommes de métier et familles confondus.
Sur l'Aigle d'or, on précise que c'est 225 passagers que l'on transporte à Québec.

Mais ce qui est le plus étonnant, c'est comment la variété des vivres que contiennent les deux navires diffèrent. Ainsi, le Jardin de Hollande a exactement la moitié de quantité de farine et de lard que l'Aigle d'Or. Mais le vaisseau à destination de Plaisance transporte à bord une plus grande variété de denrées, dont des pois et fèvres, du beurre, de l'huile d'olive, etc. que l'on ne retrouve pas sur le navire en direction de Québec.

Je ne crois pas que l'on spécifie précisément s'il y a eu des victimes du scorbut sur le Jardin de Hollande, bien que l'on semble souvent confondre l'escale à Plaisance pour débarquer des passagers avec les malades qui descendent à Tadoussac de l'Aigle d'Or. Il semble la distribution des vivres a eu un impact majeur sur ce dernier navire. Nayant que farine et lard comme denrée, le scorbut a frappé. C'est quand même environ 50 tonnes de farine que transporte le navire, une grande quantité donc destinée au magasin de Québec.
Coût total de l'opération: 53 926 livres, 2 sols et 6 deniers.


En attendant le vent
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Le St-Philippe, à la même époque

Colbert demande à Mgr Laval de renseigner Gaudais-Dupont de tout ce qu'il sait sur la colonie, ce à quoi Mgr Laval répond le
25 mai 1663 assurant qu'il le fera, et indique que les vents les retiennent toujours à La Rochelle. [Archives coloniales, mélanges de Colbert, MG7-IA6] Colbert avait, le même mois, demandé à Gaudais de s'enquérir discrètement de la conduite de Davaugour, Mésy et de Mgr de Laval.

Cinq jours plus tard, ils ne sont toujours pas partis. Le
30 mai 1663, Mgr de Laval écrit à Colbert qu'ils espèrent partir demain. Il précise aussi que les vaisseaux sont si chargés, que l'on n'a pas de place pour embarquer les chevaux, et tout ce qui leur est nécéssaire. On préfère embarquer les barriques de farine qu'on n'avait pu mettre à bord. [Archives coloniales, mélanges de Colbert, MG7-IA6]

Mais ils semble attendre encore au moins une semaine. Le
16 juin 1663, on indique finalement dans les registres de la Marine que l'évesque de Pétrée s'embarqua ces jours passés sur le vaisseau du Capne Gargot pour aller faire ses fonctions épiscopales a Québec en la Nouvelle France.
Une pénible traversée

Auguste Gosselin, dans l'ouvrage précité,
La Vie de Mgr de Laval (p.357), dresse un bon portrait de cette traversée, dont en voici un extrait:
«La traversée fut longue et orageuse ; elle dura près de quatre mois [3 mois et quelques jours en fait]. Le vaisseau portait quantité de troupes, et beaucoup de familles que le roi envoyait pour peupler le Canada. Plusieurs des soldats étaient huguenots, la plupart libertins, et causèrent beaucoup d'ennuis à l'évêque. Le scorbut éclata à bord ; plus de soixante personnes succombèrent pendant la traversée, et il en mourut presque autant à Québec. »

Gosselin semble exagéré ce dernier chiffre. Dans les lettres missives du Conseil Souverain au roi le
18 juin 1664, on dénote que jusqu'à 60 meurent en mer, 38 sont hospitalisés à l'arrivé, dont seulement 12 ont succombé. Il poursuit:
«Les ecclésiastiques déployèrent auprès de tous ces malades un zèle admirable. (...)
Mgr de Laval fut le premier à l'oeuvre. Aguerri contre toutes les maladies, par les fréquentes visites qu'il avait faites autrefois dans les hôpitaux de la ville de Caen et à l'Hôtel-Dieu de Québec, il déploya à bord du vaisseau une admirable charité.
"Il avait fait, en partant, moins pour lui que pour les siens, une provision de volaille, de liqueurs, de confitures et autres douceurs ; c'est assez l'usage dans une longue traversée, où l'on risque de voir manquer jusqu'à l'eau douce : il distribua tout aux malades, sans rien réserver, et manqua de tout, lui-même, le reste du voyage." (...)»

Avec les chiffres vus plus tôt, il semble que le Jardin de Hollande ne fut pas frappé aussi durement, si ce sont bien 20 familles qui débarquent (la lettre missive de juin 1664 indique que 75 personnes débarquent à Plaisance), sur un total de 80 passagers c'est que presque tous arrivent en vie. Mais ce débarquement à Plaisance par le sieur Guillon ne fut guère accueillant. Ainsi ce dernier trouva la petite colonie en état d'anarchie. Le gouverneur Du Perron, son frère, ainsi que l'aumônier du fort avaient été assassinés pendant l'hiver. L'on rétablit un semblant d'ordre, en capturant quelques uns des émeutiers fugitifs, puis Guillon s'empressera ensuite vers Québec pour joindre Gargot, comte de Plaisance, pour que ce dernier les juge.
Pour ne pas empiéter sur le territoire du gouverneur de Québec, c'est sur une barge au port de Québec que Gargot fera pendre les coupables.
Gargot avec l'Aigle d'Or avait filé droit pour Tadoussac. Poursuivons le récit selon Gosselin:

«La nouvelle de l'arrivée du vaisseau du roi, qui portait le gouverneur [de Mésy] et l'évêque, parvint à Québec le 7 septembre, et l'on envoya immédiatement une chaloupe au-devant à Tadoussac. Cette chaloupe amena à Québec les deux illustres personnages, qui descendirent à terre le samedi 15 septembre. [citant le Journal des jésuites]»

On peut penser que le capitaine ait accompagné la plupart des passagers du navire sur la chaloupe, dont la femme et les enfants de Simon Savart présumément:
«On dépêcha immédiatement des chaloupes à Tadoussac pour aller chercher les malades qu'on y avait laissés, réduits à la dernière extrémité. Mais elles ne purent revenir plus tôt que les vaisseaux du roi, lesquels entrèrent dans le port de Québec le 22 septembre.» [probablement sous l'ordre de Guillon qui détenait les émeutiers captifs sur un navire, rembarquant les malades sur l'autre, à son arrêt à Tadoussac]

Deux jours plus tard, le
24 septembre 1663, le capitaine Guillon du Jardin de Hollande reçoit des ordres d'emprisonner les 14 prisonniers fait à Plaisance, et qu'ils doivent subir leur procès à Québec.

Le procès dois avoir lieu vers autour du
15 octobre 1663, car à catte date on trouve une description du pillage de Plaisance.

Simon Savart signe d'une main sûre en novembre suivant, puis en mars, il est toujours apte à faire une requête au Conseil Souverain comme on le verra plus bas. Il faut donc douter que Simon Savart est durement frappé par la maladie pendant le voyage. Il faut peut être aussi mettre en cause le peu de variété des denrées sur le navire (farine et lard), contrairement aux denrées sur le Jardin de Hollande (farine, lard, fèvres, beurre, huile d'olive).

Par ailleurs, je cherche toujours à savoir s'il existe ou non des documents relatifs à l'Aigle d'Or. Ce vaisseau comme le Jardin de Hollande, le Saint Jean Baptiste et la Renommé sont commandés par Fouquet en Hollande en 1656, les deux premiers mis en service en 1658. D'autre sources disent qu'il serait construit à Brest. Il y a peut-être confusion avec le navire de guerre du même nom construit vers 1667-1669.

Histoire à suivre...

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